La science de la respiration – 2

La science de la respiration – 2

Le pranayama selon le Yoga Satyananda

Les manipulations sur le souffle

Lorsque nous avons développé la conscience des mécanismes physiques mis en jeu par la respiration et expérimenté son caractère subtil ou pranique, il est possible de modifier radicalement les données respiratoires. Ces changements sont codifiés dans les textes, ils répondent chacun à un objectif précis et obéissent à des règles bien définies. Il est conseillé de les pratiquer avec un guide confirmé.

1 – La première étape concerne l'allongement de l'expiration. Le but est d'accentuer l'effet naturel de détente relatif à cette phase. Avec une expiration de plus en plus longue, nous pouvons comprendre ce qu'est réellement l'état de relaxation, ce qui sera un outil précieux dans les moments de stress et permettra d'accéder en toute quiétude aux stades avancés du pranayama. L'idéal est d'arriver progressivement au ratio 1 / 2, l'expiration durant deux fois plus de temps que l'inspiration.

2 – Introduction de kumbhaka. L'étape suivante consiste à introduire des arrêts dans le souffle, soit poumons pleins (antar kumbhaka), à la fin de l'inspiration, soit à vide (bahir kumbhaka), après l'expiration. Il existe une autre catégorie de kumbhaka, kevala kumbhaka, qui se fait de façon naturelle et constitue le véritable but de la pratique.

L'arrêt du souffle poumons pleins est relativement facile à gérer car il existe une certaine réserve d'oxygène qui va s'épuiser progressivement tout au long de la rétention. L'arrêt à vide s'avère en général plus difficile et ne peut être abordé qu'après avoir acquis une bonne maîtrise de antar kumbhaka. Ces exercices renforcent le contrôle sur les instincts qui, en temps normal, entrent immédiatement en action lorsque l'équilibre chimique du sang n'est plus respecté. Il est dit dans la Hatha Yoga Pradipika que l'on peut vaincre la peur de la mort par le pranayama (Chapitre II, versets 39 et 40). Les rétentions influencent également toute la structure du cerveau et agissent sur le plan mental, en stoppant le processus des pensées.

L'apprentissage des kumbhakas doit respecter une progression lente et attentive, et il est indispensable de revenir à un stade inférieur à chaque fois que des tensions s'installent. Les rythmes de base que l'on peut suggérer d'atteindre par étapes successives sont 1 / 1 / 2 (rétention à plein égale à l'inspiration, expiration du double) puis éventuellement, 1 /1 / 2 /1 (la même chose avec une rétention à vide égale à l'inspiration).

3 – L'alternance des narines. La respiration complète et les ratios donnés ci-dessus peuvent être appliqués avec une alternance dans les narines. Cependant, nadi sodhana pranayama se fait en installant un souffle silencieux. Non seulement, il n'y a pas d'ujjayi, la contraction de la gorge, mais l'on minimise aussi le bruit de l'air dans le nez, à l'inspiration comme à l'expiration. C'est parfois difficile, surtout lorsqu'une narine est bouchée. Malgré tout, il est important de se souvenir de ce point car cela transforme nadi sodhana en une méditation sur les flux du souffle dans les narines, les swaras.

Grâce à la respiration alternée avec égalité inspire /expire, on stimule de façon égale ida et pingala, et par voie de conséquence les deux hémisphères du cerveau, les systèmes sympathique et parasympathique, les côtés droit et gauche du corps. Une sadhana prolongée de ce pranayama fondamental va équilibrer et purifier les deux principaux nadis, ce qui entraîne une activation de sushumna, le canal de l'énergie spirituelle.

En ajoutant des ratios et des rétentions à nadi sodhana, on donne à la pratique une autre ampleur : nous surimposons aux mouvements habituellement désordonnés du cerveau un rythme stable et régulier, une vague douce qui va jouer le rôle de signal et entraîner à sa suite toutes les autres fréquences. Cependant, gardons-nous d'aller au-delà de nos possibilités, sinon, nous alimentons le conflit et le désordre mental.

4 – Introduction des bandhas dans le pranayama. Les bandhas sont des exercices qui verrouillent certaines parties du corps : jalandhara bandha agit sur la gorge, uddiyana bandha sur la région du plexus solaire et moola bandha sur la région du périnée. En les associant aux rétentions, ces exercices psychophysiques complètent et enrichissent les techniques de pranayama. Ils permettent d'agir directement sur les souffles (vayus), prana, apana et samana. Par ailleurs, les bandhas influencent spécifiquement les granthis, les nœuds psychiques qui entravent le passage de la sushumna et nourrissent nos attachements.

5 – Inverser les données énergétiques par une expiration dynamique. Deux techniques de pranayama, considérées comme dynamisantes, inversent totalement le processus respiratoire, en proposant de transformer la phase normalement passive, l'expiration, en un mouvement forcé. Kapalbhati nous invite à expirer de manière forte et volontaire et à laisser l'inspiration se faire de façon naturelle. Cette inversion dans le cycle de la respiration a des conséquences notables sur les vayus, en provoquant une réduction de samana, le souffle de concentration et de fait, une diminution de l'activité des vrittis, les oscillations mentales. Quant à la pratique de bhastrika, elle installe une expiration et une inspiration forcées. L'action est alors différente : l'interaction accélérée prana / apana entraîne un accroissement de samana et donc un niveau global de prana plus élevé et une vitalité accrue.

6 – Inspirer par la bouche. Normalement, tous les pranayamas se font avec une respiration par le nez, sauf certains pranayamas qui utilisent une inspiration par la bouche (sheetali ou sheetakari). Ces outils servent à améliorer la régulation thermique dans le corps. Ce sont de très bons tranquillisants du mental car ils sollicitent ida ou système parasympathique, chargé de la relaxation et du repos.

Conclusion

Le pranayama est parfois considéré comme une voie dangereuse. Autrefois, il ne faisait pas l'objet d'un enseignement public, et se transmettait de maître à disciples, selon les besoins propres à chacun. Hormis les exercices de base que tout le monde peut pratiquer dans le respect des capacités respiratoires, il paraît souhaitable d'adapter le pranayama pour tenir compte des possibilités individuelles. De nos jours, toutes les branches du yoga ont été généreusement divulguées. Cependant, pour bénéficier de la richesse et de la profondeur des pratiques, une certaine sagesse s'impose. Le pranayama est une technique qui apporte des changements conséquents sur le plan de l'énergie et de la conscience. Il est donc nécessaire d'avoir une démarche mesurée et progressive. Est-ce le pranayama qui pose problème ou nous, qui manquons de méthode et de patience ? Cette science existe depuis des milliers d'années mais notre empressement peut nous faire manquer l'occasion de goûter à ses fruits. Pourtant, correctement appliquée, elle est une alliée inestimable qui donne la force de se rapprocher de soi.

Swami Brahmatattwa

Pour approfondir le sujet : Yoga Darshan de Swami Niranjanananda (Swam Editions)

Centre de Yoga de l'Aube – 10210 Chesley – Tél : 03 25.70.06.40

E.mail : [email protected]

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