Désir de bien paraître – 2
La vision de soi et le désir de bien paraître dans nos relations interpersonnelles (Par Nicolas Sarrasin)
De nombreux déséquilibres naissent de la manière dont nous croyons que les autres nous perçoivent. Et l’une des pires conséquences survient lorsque la manière dont nous nous percevons ne correspond pas à la manière dont nous pensons que les autres nous perçoivent…
Par exemple, les femmes qui souffrent d’anorexie démontrent un écart significatif entre la perception d’elles-mêmes et la vision qu’elles croient que les autres ont d’elles-mêmes (Leary et coll., 1999).
En d’autres mots, même si leur poids est parfaitement normal, parce qu’elles se croient trop grosses, elles sont persuadées que les autres obtiennent la même conclusion à leur sujet !
Et cette perception qu’elles croient que les autres ont d’elles-mêmes, même si elle n’est qu’imaginée, suscite des émotions négatives, diminue l’estime de soi et devient la source de grandes souffrances.
Leurs décisions et leurs réactions visent alors à régler ce faux problème au lieu de s’attaquer à la vision tordue qu’elles ont de leur poids. Le tout prend souvent la forme de régimes draconiens qui occasionnent du tort à leur santé, tort bien réel celui-là…
Cet exemple illustre avec force les risques que nous fait encourir une fausse vision de nous-mêmes, surtout lorsque cette vision se combine au regard que les autres nous portent. Bien sûr, il ne nous est guère facile de modifier les stéréotypes sociaux qui nous bombardent chaque jour et qui contribuent à former nos valeurs.
Améliorer la situation
Nous pouvons cependant tirer profit de la remise en question, cette possibilité d’exercer un contrôle conscient qui nuance le sens que nous accordons à de tels modèles (ex. : devoir être aussi minces que les mannequins des magazines), ce qui évite d’adopter des conclusions qui seraient dommageables.
Nasser (1988) a d’ailleurs démontré que les problèmes reliés à l’alimentation, tels que la boulimie ou l’anorexie, étaient virtuellement inexistants dans les sociétés qui associent les rondeurs à la beauté.
La remise en question souligne, par exemple, combien la minceur des mannequins ne correspond pas au poids moyen des femmes, ni au poids associé à un état de santé satisfaisant, ni au poids plaisant nécessairement à tous les hommes, etc.
Cette analyse rationnelle aide ainsi à garder les pieds sur terre et de favoriser le bien-être.
LEARY, M. R., TAMBOR, E. E, TERDAL, S. K., DOWNS, D. L. (1999), «Self-esteem as an interpersonal monitor : The sociometer hypothesis», dans BAUMEISTER, R. F. (éd.), The self in social psychology. Key readings in social psychology, Philadelphie, Psychology Press, 87-104.
NASSER, M. (1988), «Eating disorders : The cultural dimension», Social psychiatry and psychiatric epidemiology, 23, 184-187.