La science de la respiration – 1

La science de la respiration – 1

Le pranayama selon le Yoga Satyananda

Les deux sens du mot pranayama

D'après le sens étymologique, pranayama correspond à deux notions :

– ce terme est formé de prana (mouvement constant, énergie vitale) et yama (contrôle) : le but du pranayama est donc de maîtriser le Prana et ses manifestations physiques, les souffles d'assimilation (prana), d'excrétion (apana), de concentration (samana), d'expression (udana) et de diffusion (vyana). Le contrôle et la manipulation des données respiratoires jouent un rôle fondamental dans cette phase que l'on appelle aussi prana nigraha et qui recouvre toutes les techniques de pranayama.

– on peut aussi décomposer ce mot en prana et ayama : la signification est alors une expansion du champ pranique, grâce à l'inversion des souffles prana et apana et leur union dans samana. Cette acception du pranayama est évoquée dans de nombreux textes. C'est un stade très avancé, destiné à éveiller l'énergie spirituelle (kundalini) et à provoquer un changement drastique au niveau de la conscience.

Les bases du pranayama

Les techniques que nous connaissons appartiennent à prana nigraha. De la respiration yoguique complète à nadi sodhana, bhastrika ou kapalbhati par exemple, toutes utilisent le support du souffle. La respiration est considérée comme la manifestation externe de l'énergie vitale. Elle possède la caractéristique remarquable d'être à la fois automatique et volontaire. Son fonctionnement inconscient est sous le contrôle des centres primitifs situés au niveau du bulbe rachidien. Lorsque nous développons la conscience et la maîtrise du processus respiratoire, nous plaçons cette fonction sous l'emprise du cortex cérébral.

1 – Le premier pas est d'observer la respiration naturelle. On peut le faire en étant allongé ou en position assise. Cette simple observation du souffle, sans le modifier d'aucune manière, est le moyen initial qui permet d'apprendre à connaître la respiration et de privilégier une détente physique et mentale. La base fondamentale du pranayama consiste à installer et à maintenir un climat de relaxation et de conscience. C'est aussi une règle d'or à tous les stades de la pratique. Sans cela, les exercices de prana nigraha ne pourront donner des résultats positifs, ils auront tendance à générer des crispations et des difficultés. Le souffle naturel est notre plus fidèle compagnon, il nous accompagne depuis la naissance jusqu'à la mort. Nous devons rentrer en amitié avec lui et non le forcer. Il nous faut en découvrir les aspects physiques, énergétiques et psychiques, et connaître les modifications qu'il subit du fait des tensions à différents niveaux de la personnalité. Porter simplement son attention sur la respiration naturelle calme les émotions et le mental, ralentit spontanément le rythme respiratoire et harmonise le débit de l'air inspiré et expiré. Cet exercice permet de préparer le terrain dans un souci de respect et de relâchement par rapport à soi-même.

L'introduction d'un comptage des respirations naturelles amplifie les effets de cette observation, en focalisant le mental sur un temps plus long. Par ailleurs, le fait de répéter « je sais que j'inspire » pendant l'inspiration et « je sais que j'expire » pendant l'expiration accentue le rôle de témoin du souffle. Cet attribut particulier de la conscience, le drashta, est un élément indispensable à tout pranayama : il permet de s'adapter à chaque instant au contexte et aux possibilités immédiates du corps, notamment des poumons. Ainsi, nous pouvons toujours respecter nos capacités et éviter d'enclencher une lutte qui, à terme, s'avérera vaine ou négative.

2 – Expérimenter l'aspect psychique de la respiration. Cette étape est indispensable à une bonne compréhension du pranayama et à l'obtention d'effets durables et concluants sur notre état d'être. Pour pénétrer dans la dimension psychique du souffle, le pratiquant est amené à associer à la respiration naturelle une circulation de la conscience à certains endroits, le long des narines par exemple, dans la gorge ou dans le ventre. Le souffle spontané prend ainsi un tout autre caractère et l'intériorisation devient très facile. C'est alors le prana que l'on perçoit et non plus la respiration purement physique.

3 – Le nettoyage du nez, pour dégager les conduits nasaux. Le nez est l'un des organes essentiels dans la pratique du pranayama. Ses fonctions sont très importantes, sur le plan physique comme du point de vue mental. Non seulement les narines sont tapissées de membranes hautement innervées, mais elles ont également une correspondance majeure sur le plan énergétique, par l'action des deux nadis ida (narine gauche) et pingala (narine droite), véhicules de l'énergie mentale (chit shakti) et de l'énergie vitale (prana shakti). La purification des conduits nasaux est l'un des shat karmas préconisés par le hatha yoga et une condition indispensable à une pratique rigoureuse du pranayama. Jala neti, le nettoyage du nez à l'eau salée est devenu un exercice aisé et rapide, grâce à l'usage d'un petit pot bien adapté, la lota.

4 – La stabilité du corps est l'élément préalable aux exercices de pranayama. Pour qu'une technique de pranayama donne de bons résultats, il faut d'abord mettre en place kaya sthairyam : le corps doit amené à se détendre parfaitement, tout en restant bien droit ; puis il s'immobilise, non par lutte mais par goût de la tranquillité, fruit de l'absence de mouvement physique. Enfin, il devient dense, comme s'il se transformait en statue. Le but de cette technique est d'éviter des perturbations physiques au cours du pranayama, afin qu'il n'y ait ni dispersion ni déperdition d'énergie.

5 – Ralentir la respiration. La respiration yoguique complète est plus une respiration verticale qu'horizontale. Pour cela, il convient de favoriser la phase abdominale et de travailler sur la conscience et la rééducation du fonctionnement du diaphragme. Cette paroi, qui sépare le thorax de l'abdomen, joue un rôle fondamental dans la respiration yoguique. Il descend à l'inspiration pour permettre à la partie basse des poumons de se remplir, et il pousse le ventre vers l'avant, si l'abdomen est suffisamment relâché. A l'expiration, il remonte sous les côtes, pour assurer une expulsion optimale de l'air. La respiration diaphragmatique est souvent réduite, voire absente, alors qu'elle favorise la détente et l'efficacité respiratoire. Il est impossible d'agir directement sur le diaphragme car il est composé de muscles lisses. Mais en percevant ses mouvements, on arrive à les amplifier considérablement.

Après avoir rempli le bas des poumons grâce à un déplacement accentué du diaphragme, il faut ajouter la phase thoracique, afin de remplir les parties médianes et supérieures des poumons. Cependant, il est préférable d'éviter les efforts inconsidérés pour écarter les côtes ou un travail trop rapide de la respiration haute. La phase claviculaire est également à manier avec précautions et peut être ignorée sans grand dommage, parce qu'elle introduit souvent des tensions importantes pour un gain négligeable d'air inspiré. Une fatigue intense s'installe si l'on sollicite exagérément l'appareil musculaire et les poumons. La pratique en subira un contrecoup, d'une façon ou d'une autre : le corps se crispe sous ces efforts de volonté et répond par un coup de frein brutal ou une maladie.

Dans cette respiration yoguique complète, l'expiration est synonyme de relaxation. Elle représente l'aspect passif (ida), alors que l'inspiration est au contraire active et dynamique (pingala). L'égalité inspire / expire est une composante essentielle de la respiration yoguique, permettant l'équilibrage vitalité / détente. Pour ce faire, il est nécessaire de compter, sur la base des chiffres ou d'un rythme stable de sons Oms.

6 – Ujjayi, le bruit du souffle. C'est un léger bruissement généré par une petite contraction à l'avant du cou, entraînant une obturation partielle de la glotte. Il accompagne souvent les exercices de pranayama car il favorise l'introversion du mental. Le son qui est émis doit ressembler au doux ronflement d'un bébé endormi. Seul le pratiquant peut l'entendre et non les autres personnes. S'il est trop prononcé, cela signifie que la pratique est faite en force ou manque d'introversion.

Avec ujjayi, la respiration complète se transforme en un pranayama plus subtil, surtout si l'on garde l'attention sur le bruit produit dans la gorge par la friction de l'air. Dans la thérapie par le yoga, on utilise beaucoup cette pratique appelée ujjayi pranayama. Elle est aussi employée dans d'autres voies du yoga, asanas, mantra yoga, méditation, kundalini et kriya yogas.

Swami Brahmatattwa

Pour approfondir le sujet : Yoga Darshan de Swami Niranjanananda (Swam Editions)

Centre de Yoga de l'Aube – 10210 Chesley – Tél : 03 25.70.06.40

E.mail : [email protected]

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