Les fausses rumeurs sur la manipulation vertébrale
Les fausses rumeurs sur la manipulation vertébrale
Par Sébastien Plante
Une manipulation vertébrale est tout simplement une ré-information neurologique que l’on transmet au système nerveux central. Le craquement audible n’est rien d’autre qu’un effet de pression des gaz (gaz carbonique, entre autres) dans l’articulation.
Le mythe longtemps entretenu voulant que l’on puisse replacer une vertèbre par une manipulation n’est pas vrai. Une vertèbre ne se déplace pas. La vertèbre est fixée par plusieurs ligaments pour assurer la stabilité du canal médullaire (trou au milieu de la vertèbre où passe la moelle épinière). Si une vertèbre se déplaçait, elle entraînerait une déformation du canal médullaire et une compression de la moelle avec paralysie, ce qui se produit uniquement lors de fracture vertébrale ou lors de spondylolysthésis à la 5e vertèbre lombaire (glissement antérieur du corps vertébral de L5). Par contre, une vertèbre possède une certaine mobilité selon des axes de mouvement très bien connus. Il se peut que, pour une raison quelconque, la vertèbre reste prise dans une position et ne revienne pas à sa position de départ, souvent parce qu’un muscle profond en spasme la retient. La vertèbre n’est pas déplacée, sinon il y aurait de graves conséquences neurologiques; elle est tout simplement restreinte dans sa mobilité et elle ne peut plus accomplir toute son amplitude normale de mouvement. La manipulation est probablement une des techniques de traitement les plus efficaces pour aider à soulager rapidement une douleur, surtout dans les états subaigus, car elle agit a plusieurs niveaux.
D’abord, elle a un effet d’inhibition de la douleur par la théorie du portillon et par plusieurs autres mécanismes neurologiques complexes. Elle a également un effet réflexe local provoquant un relâchement musculaire local qui permet souvent à la vertèbre de retrouver sa mobilité normale. Elle possède aussi un effet placebo comme tout traitement, qui est augmenté selon la croyance du patient aux manipulations. Il existe cependant des précautions et des contre-indications aux manipulations vertébrales telles que fractures, traumatismes importants sans radiographie, présence de signes neurologiques, prise de corticostéroïdes à long terme, inexpérience du thérapeute, obsession de la vertèbre déplacée par le patient, qui sont connues des thérapeutes appliquant des manipulations. Si ces précautions sont respectées, la manipulation ne représente aucun danger pour le patient. Les gens entendent parfois des incidents déplorables dans les médias et craignent de se faire manipuler par peur de paralyser, mais si cela peut vous rassurer, vous avez plus de possibilités de paralyser en vous tournant la tête pour faire votre angle mort en voiture ou de subir des effets néfastes en prenant des médicaments. La moelle épinière est très bien protégée et les artères vertébrales le sont également au niveau du cou. Là où il faut faire très attention, c’est lors de la manipulation entre la base du crâne et la 1re vertèbre cervicale (C0 et C1). La raison est fort simple. À cet endroit, l’artère vertébrale est très vulnérable étant donné qu’elle effectue une bifurcation de 90 degrés pour pouvoir entrer dans le crâne. Une fausse manœuvre par un professionnel peu expérimenté qui exagère trop la rotation peut donc l’endommager et produire des événements tristes comme ceux mentionnés dans les médias. Avant de procéder à une manipulation de la région cranio-cervicale (C0-C1-C2), le professionnel doit obligatoirement procéder au préalable à des tests de stabilité ligamentaire de cette région.
Des précautions doivent aussi être prises lors de manipulations vertébrales sur des hernies discales aiguës car des manipulations en rotation créent un cisaillement sur le disque et peuvent aggraver davantage l’état du patient. Les manipulations sans torsion, qu’on appelle souvent décoaptations, sont tout aussi efficaces et beaucoup plus sécuritaires. Une manipulation peut causer des effets secondaires d’une durée de 24 à 48 heures car lorsqu’on corrige une dysfonction vertébrale, il peut se produire une légère phase inflammatoire locale qui se résorbe habituellement rapidement avec une amélioration de l’état par la suite. Les tests de mobilité vertébrale servent à déterminer si une vertèbre est en dysfonction. La palpation ou la radiographie ne suffisent pas à diagnostiquer une dysfonction vertébrale car la vertèbre peut être très mobile mais positionnée en rotation par adaptation à un problème qui vient d’ailleurs. Il faut absolument que le thérapeute procède à des tests de mobilité spécifique ou à une radiographie en mouvement.
Si l’on vous diagnostique un problème vertébral uniquement à partir d’une radiographie, sachez qu’il s’agit d’un diagnostic incomplet qui ne tient pas compte d’autres aspects très importants. Un diagnostic incomplet risque de finir en traitement incomplet. Combien de fois j’ai entendu des patients me dire que leur problème cervical venait d’une rectitude de la colonne cervicale et ce, parce qu’ils avaient passé une radiographie sur laquelle on constatait une rectitude du rachis cervical. Un cou endolori et spasmé va automatiquement engendrer une adaptation du rachis cervical. C’est le même principe pour tout désordre de la colonne vertébrale. Si l’on a une chaîne musculaire tendue qui tire et engendre des vertèbres en rotation, les tests de mobilité spécifique vont démontrer que la vertèbre n’a aucune perte d’amplitude articulaire bien que la radiographie nous démontre une vertèbre en rotation. Il faut donc traiter cette chaîne musculaire et tout rentrera dans l’ordre.
Si l’on se fit uniquement à la radiographie et qu’on s’acharne à faire craquer cette vertèbre à chaque visite, la vertèbre reviendra toujours dans la même lésion puisqu’elle est maintenue par une chaîne musculaire ou par de mauvaises habitudes posturales. Si la même vertèbre revient constamment en lésion, il y a forcément quelque chose qui la ramène en dysfonction et c’est ce qu’il faut investiguer. Il faut arrêter de manipuler à répétition une même vertèbre. Les études divergent quant à l’effet des manipulations appliquées à répétition. Certaines écoles de pensée affirment que cela entraîne une hypermobilité et une laxité ligamentaire. D’autres croient que la conséquence à long terme serait plutôt une fibrose locale qui aurait tendance à fixer davantage la vertèbre et qui expliquerait le besoin de se faire craquer à nouveau. Beaucoup de gens se font craquer eux-même à répétition, mais le problème qu’ils éprouvent est qu’ils ressentent le besoin de se faire craquer de plus en plus souvent. La personne va mieux sur le coup mais la douleur et la raideur se réinstallant progressivement, cette personne ressent le besoin de se faire craquer de nouveau. Prenons l’exemple de quelqu’un qui se craque le cou sans arrêt pour se soulager. Si, à la place, il relâchait sa musculature cervicale profonde par un exercice d’étirement et que cela avait pour conséquence de relâcher ce qui tire sur ses vertèbres, il ne sentirait plus le besoin de se faire craquer. Rappelez-vous qu’une manipulation a pratiquement toujours un effet d’apaisement de la douleur, mais si le problème ne vient pas de la vertèbre, ce soulagement ne sera que temporaire.